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La source d’informations quotidiennes sur l’énergie et le climat en France.
Par AUDE LE GENTIL
Avec NICOLAS CAMUT et ARTHUR NAZARET
Infos et tuyaux à partager ? Ecrivez à Nicolas Camut, Aude Le Gentil et Arthur Nazaret | Voir dans le navigateur
— Hydrogène : la filière se divise sur la définition du “bas-carbone”.
— A Saint-Nazaire, les acteurs de l’éolien veulent arriver à bon port.
— La Commission nationale du débat public contre-attaque.
Bonjour à toutes et à tous, nous sommes jeudi 2 mai. Le gouvernement ne voulait pas de loi de programmation énergie-climat, disant ne pas trouver de majorité. Les parlementaires lui répondent “Chiche”.
Et de trois. D’abord les écolos, qui ont proposé leur proposition de loi fin mars — abandonnée en sortie de commission. Ensuite les sénateurs LR, qui peaufinent leur propre texte, dont nous vous parlions en début de semaine et qui espèrent le voter avant la fin du mois de juin. Enfin les députés du groupe LIOT, dont la niche arrive mi-juin, et qui proposent une mise à jour “de la planification énergétique de la France”, largement inspiré par la PPL écologiste. Son inscription à l’ordre du jour “n’est pas encore tranchée”, indique à votre infolettre son auteur, Benjamin Saint-Huile.
DÉFINITION INFLAMMABLE. La filière hydrogène se divise sur un projet d’arrêté qui pourrait permettre de labelliser “bas carbone” l’hydrogène produit à partir d’énergie fossile. Ce texte, que votre serviteur a consulté, définit le seuil d’émissions de gaz à effet de serre maximal et la méthodologie pour qualifier l’hydrogène de “renouvelable” ou “bas-carbone”.
Une définition “laxiste à l’égard de l’hydrogène bleu”, dénonce le lobbyiste d’une entreprise du secteur. L’hydrogène bleu est un petit nouveau dans la palette de couleurs du gaz où chaque nuance faisant écho à son origine. Il est obtenu à partir de gaz naturel — comme l’hydrogène gris, fortement émetteur — sauf que le CO2 émis est stocké et/ou réutilisé.
En annexe du projet d’arrêté, il est prévu que le CO2 prélevé puisse être décompté du total d’émissions. C’est à dire que l’hydrogène obtenu à partir d’énergie fossile pourrait être considéré comme “bas-carbone” et bénéficier des mécanismes de soutiens publics.
De quoi faire s’étrangler certains acteurs, du côté des producteurs d’énergies renouvelables. “Au-delà du greenwashing, ce sont des gaz à effet de serre qui vont échapper aux quotas de CO2, mais aussi de l’argent public qui va financer la dépendance aux fossiles et pénaliser les renouvelables”, déplore le lobbyiste déjà cité. Une fédération du secteur s’inquiète que tout les modes de production — renouvelables, nucléaire ou captage du CO2 — soient ainsi mis sur le même plan.
Un texte “trop restrictif”, plaide à l’inverse l’association France Gaz : “Les critères ne sont pas adaptés pour l’hydrogène bleu, au risque d’une contradiction avec la définition qui est en train d’être négociée au niveau européen.”
H-6 pour l’H2. Chacun soupèse l’opportunité de déposer des amendements avant l’examen du texte par le Conseil supérieur de l’énergie mardi prochain. Ils ont pour cela jusqu’à cet après-midi, 16 heures.
A 10 heures 30, audition de Thomas Buberl, directeur général d’AXA, par la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies.
Cet après-midi, déplacement des ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure à Saint-Nazaire consacré à l’éolien en mer.
ÉOLIENNES AMÈRES. Les ministres Bruno Le Maire et Roland Lescure ont promis des annonces cet après-midi à Saint-Nazaire pour favoriser le recours aux industries françaises sur l’éolien en mer. Ils devraient aussi annoncer une mission inter-inspections sur l’adaptation de la fiscalité sur les parcs éoliens, dont les résultats sont attendus pour l’été. Mais les acteurs sondés par votre infolettre attendent des précisions sur le calendrier.
Vent contraire. “On observe la lenteur avec laquelle l’Etat avance. C’est très préoccupant. On attend une accélération dans les appels d’offres”, tance-t-on chez un grand énergéticien. Tout le monde a en tête l’appel d’offres AO5, au sud de la Bretagne. L’annonce du lauréat a déjà été repoussée deux fois. A priori, elle n’est pas pour aujourd’hui mais la filière attend au moins une date, alors que l’entrée en service est prévue pour 2031.
Mystère. Ce retard suscite tous les fantasmes et toutes les interprétations. “C’est un mystère. Est-ce qu’un opérateur s’est désisté ?”, se demande Daniel Cueff, vice-président à la mer et au littoral de la région Bretagne.
Gouvernement flottant. Le résultat est d’autant plus attendu que c’est le premier appel d’offre pour de l’éolien offshore flottant. Si l’A05 reste en carafe, que se passera-t-il pour l’AO6, en Méditerranée — deux parcs de 250 mégawatts chacun ? “La filière est inquiète des atermoiements gouvernementaux”, pointe un élu de la région PACA qui connaît bien ce sujet. “Nous sommes dans le flou complet”, reconnaît notre premier énergéticien.
Diversification. “Il faut que l’Etat diversifie un peu plus les lauréats. Si c’est pour qu’à la fin ce soit toujours EDF ou ENGIE, alors qu’on nationalise, ça sera plus simple !”, pestait récemment un autre acteur de l’éolien en mer auprès de votre infolettre. L’AO10, sur plusieurs façades maritimes et d’une puissance cumulée de 10 gigawatts devrait contenter notre interlocuteur.
Il n’est pas encore ouvert, mais certains espèrent que les ministres indiqueront une date aujourd’hui. On sait déjà qu’il y aura plusieurs lots. Ce qui permet de diversifier les lauréats depuis le décret balai paru en fin d’année dernière.
Cet appel d’offre est crucial : “C’est celui qui conditionne le respect de l’engagement du pacte pour l’éolien en mer, qui prévoit de mettre en service 18 GW en 2035”, précise Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables. Pour l’heure, on ne connaît pas les futures zones concernées. Elles dépendent des conclusions que le gouvernement tire du débat sur la mer qui s’est terminé le 26 avril et qu’il devrait faire connaître en septembre.
LA CNDP SE DÉBAT EN PUBLIC. La Commission nationale du débat public (CNDP) prépare sa réplique. Bruno Le Maire a annoncé la semaine passée que “les grands projets industriels” ne feront plus l’objet de débats publics grâce à un texte réglementaire à venir. Le sujet est à l’ordre du jour de la plénière de la commission aujourd’hui. La riposte prendra la forme d’un communiqué, signé par son président Marc Papinutti.
“Le gouvernement nous accuse de retarder l’éclosion de certains grands projets, nous allons donner des arguments contraires, confie un membre de la CNDP à mon collègue Arthur Nazaret. Pour le moment, notre réponse reste soft, j’espère qu’on va faire quelque chose de plus incisif.”
Recours demandés. Notre membre de la CNDP espère qu’une ONG va se saisir du dossier et le porter devant la justice. “On échange entre nous par mail pour documenter l’affaire”, glisse-t-il. Une garante travaillant régulièrement avec la CNDP dénonce “une atteinte très grave à la démocratie environnementale” qui va à l’encontre d’une directive européenne sur l’incidence de certains projets pour l’environnement et de la Convention d’Aarhus.
FNE aux avant-postes. Antoine Gatet, président de FNE se dit prêt à déposer un recours “si nécessaire”, ajoutant : “Nous verrons si le ministre ose aller au bout de cette proposition scandaleuse et dans ce cas nous apporterons notre soutien à la démocratie environnementale et à la CNDP en rappelant les principes de base de l’Etat de droit.”
DANS LE VENT. Après l’ouverture d’une enquête de la Commission européenne sur les subventions reçues par les constructeurs d’éoliennes chinois dans cinq pays de l’Union européenne dont la France, votre infolettre s’est mise en tête de dénicher quels parcs pourraient être concernés dans l’Hexagone.
Sur les 2 200 parcs éoliens français, “il y en a environ une dizaine qui sont équipés d’éoliennes produites par des turbiniers chinois”, calcule un lobbyiste. Un chiffre jugé “plausible” par un ancien du ministère de la Transition écologique.
L’enjeu, c’est évidemment le prix. “Les turbines chinoises sont 30 à 40% moins chères” que la concurrence européenne, confirme un acteur du secteur. “Par contre les sujets de maintenance, c’est plus compliqué”, ajoute-t-il, notant que les fournisseurs européens offrent “plus de sécurité” puisqu’il n’y a pas d’ateliers de maintenance chinois en Europe.
L’exécutif européen peut demander des informations aux entreprises concernées “sans leur dire s’il y a une suspicion de subvention étrangère ou si c’est simplement pour avoir des données comparatives sur le marché”, rappelle une autre lobbyiste. Les acteurs privés ne sont notifiés que dans un second temps, si la Commission décide d’ouvrir une enquête approfondie. Difficile donc de savoir, pour l’instant, qui est concerné.
Ce qui compte surtout, c’est le message politique envoyé à la concurrence chinoise. “On préfère restreindre ou empêcher le plus possible l’arrivée des turbiniers chinois en Europe et particulièrement en France”, glisse un autre acteur du secteur, qui voit dans l’ouverture de l’enquête un signe que le gouvernement français est proactif sur le sujet.
— Pour Sylvain Waserman, le président de l’Ademe, les Français sont volontaires pour la transition écologique. A quelques conditions, qu’il détaille dans La Croix.
— De nouveaux documents obtenus par les sénateurs américains révèlent comment les majors pétrolières ont minimisé les objectifs climatiques et financé des recherches universitaires pour louer les bienfaits du gaz, décrypte le Washington Post.
— Près de la moitié des fonds d’investissement se disant “verts” ou “durables” investissent en réalité dans les énergies fossiles. Une alerte écoblanchiment signée Le Monde.
— La découverte d’hydrogène dans le sous-sol de Folschviller, en Moselle, suscite des attentes, que Reporterre raconte.
Un grand merci à notre éditeur Alexandre Léchenet.